L’homme, la Nature, la biodiversité et le climat. Réflexion de Pol HUSSION

S’il était possible d’interroger l’ensemble des autres espèces du règne animal au sujet du comportement des hommes envers la Nature, il y a peu de doutes que les réponses seraient étoffées d’une volée de bois vert.

La Nature parle et l’homme n’écoute pas. Cette observation de Victor HUGO (1802 – 1885) est toujours d’actualité de nos jours. La raison de ce constat est très simple : La plupart des études et des recherches sont pratiquées, trop souvent, dans l’ignorance des lois de la Nature. Les décisions et mesures nécessaires à prendre pour préserver la Nature sont dès lors mal ciblées, car la Nature se raisonne au-delà des idées et des pensées qui n’appartiennent qu’au plan physique. D’autre part, est-il encore permis de douter que nos gouvernements se comportent en valet servile de la gouvernance occulte dirigée par le monde de la finance ? L’échec dans la lutte contre la dégradation de l’environnement est donc inévitable dans un tel contexte.

Deux grands fléaux se développent actuellement à l’échelle mondiale : l’effondrement de la biodiversité et le réchauffement climatique. Tous deux sont liés à la même cause, à savoir l’activité humaine contre-nature. Cela fait un demi-siècle que les premiers signaux inquiétants sont apparus, que l’écologie s’est invitée dans le débat politique. Depuis lors, peu de choses ont été entreprises pour contrer ces phénomènes naissants, la Nature parle… l’homme n’écoute toujours pas…

Aujourd’hui, nous sommes au bord du gouffre, encore un pas en avant et tout basculera ! C’est donc un retour en arrière qui s’impose comme une révolution inconditionnelle, autrement dit changeons la façon de nous développer et de vivre avant que la Nature ne s’en charge. Car ce dernier scénario sera bien pire que toutes les conséquences des restrictions que nous devrons consentir !

En ce qui concerne le déclin de la biodiversité, l’action urgente à entreprendre immédiatement se résume à l’abolition totale de la fabrication et de l’usage des pesticides. Ensuite, abandonner l’agriculture intensive pour un mode agricole vivrier (*).  Fameux, en termes de révolution, mais nous n’avons plus d’autre choix ! Ce sera ça ou le risque d’anéantissement de toute vie sur terre. Facile à dire, mais encore faut-il en faire la démonstration… eh bien c’est simple comme bonjour : Cela fait des décennies qu’en moyenne 3 millions de tonnes de pesticides sont déversés sur les terres de culture dans le monde.

Il y en a partout, même là où ils n’ont jamais été utilisés, ils polluent les sols, empoisonnent l’air, les eaux de surface et les nappes phréatiques. En 1997, des traces de pesticides ont été observées dans la graisse des ours polaires, il y en a donc aussi dans les rivières et les océans. Plusieurs années sont nécessaires pour qu’ils se dégradent et se transforment en substances toxiques parfois plus nocives (métabolites).

On peut affirmer qu’aujourd’hui, tous les sols cultivés en mode intensif en sont chargés et que des traces sont détectables dans les autres sols. En conséquence, presque tous les végétaux croissent sur des sols contaminés et malades, et sont in fine malsains pour la santé des consommateurs.

Or, n’oublions pas que toute la nourriture de base provient des végétaux. Le règne végétal est le plus grand colonisateur de la terre, il nourrit toutes les autres espèces directement ou indirectement ; l’alimentation carnée est d’origine végétale.

Si aujourd’hui nous consommons de la nourriture issue d’une terre malade, demain cette terre pourrait mourir (aboutissement de la maladie), plus grand chose ne pousserait, et… bonjour la famine. Attention que, dans la nature, tout se développe ou s’éteint à une allure exponentielle !

Certains s’en souviendront, il y a environ trois décennies, lors d’un trajet de 30 km en voiture, en saison estivale, on se collectionnait un tapis d’insectes sur le pare-brise et le capot. Aujourd’hui avec 200 bornes au compteur, c’est à peine si 3 mouches sont écrasées sur la calandre… A chacun son tour : actuellement les insectes (sentinelles de la biodiversité), un peu plus tard… les autres espèces, dont les humains.

*) Mode agricole vivrier : pratique agricole orientée vers l’auto-consommation et l’économie de subsistance. La production n’est destinée ni à l’industrie agroalimentaire ni à l’exportation. Elle est en grande partie auto-consommée par les exploitants et la population locale.

 

Voyons maintenant le réchauffement de la terre. C’est incontestable, les émissions de CO2 (gaz à effet de serre) sont bien la cause majeure de ce réchauffement. De l’an 1000 à l’an 1800, le taux de CO2 s’est maintenu à environ 280 ppm (*), de l’an 1800 à l’an 2017 ce taux s’est accru de manière exponentielle pour atteindre 410 ppm.*(ppm = partie par million)

Les graphiques ci-dessous illustrent bien la progression exponentielle des émissions de CO2  et du réchauffement de la planète.

En cause, l’ère industrielle et la croissance économique basée sur la consommation, la surconsommation, voire le gaspillage (1 + 1 gratis, bonus, points+, pré-soldes, soldes, super soldes, Black Friday, etc.). En ce domaine, nos gouvernements n’ont pas assumé leurs responsabilités : le développement durable est resté lettre morte, l’équilibre Economie-Social-Ecologie est saboté ; seule l’économie est favorisée avec son cortège de croissance à l’infini, PNB, PIB, productivité, fuite en avant, etc.

C’est inévitable, plus on produira, plus on consommera et plus on émettra des gaz à effet de serre (GES ou CO2). Les secteurs industriels ont la plus grande part d’émission de GES (45%) ; les transports (automobile, aérien, maritime) en émettent près 22% ; le chauffage environ 19% et l’agriculture plus de 10%.

Références: Climate.be et COP 23

Le 1er août 2018, l’humanité avait consommé l’ensemble des ressources que la Nature pouvait lui offrir en une année. Cela signifie qu’en 7 mois, nous (soit la population mondiale), avons utilisé et consommé plus que la Terre peut fournir en un an pour nous alimenter, nous loger et nous déplacer. Nous avons ainsi émis plus de GES que les forêts et les océans peuvent absorber en un an. Ce qui revient à dire que les 7,5 milliards d’humains ont consommé l’équivalent de 12,850 milliards d’habitants. En ce qui nous concerne plus spécifiquement, les Belges, nous avons consommé toutes nos ressources le 30 mars 2018 comme si la Belgique comptait 46 millions d’habitants ! Or la Nature nous enseigne que toute espèce qui vit en surnombre détruit son environnement et ses moyens d’existence !

Comme pour la biodiversité, c’est aussi une révolution qui s’impose tout autant, mais il est à craindre que nos gouvernements resteront trop frileux pour prendre le taureau par  les cornes afin de mettre en place les initiatives qui s’imposent.

Un modèle : la société des abeilles

Le modèle idéal de comportement à adopter s’observe dans la nature, en particulier chez les espèces sauvages vivant en troupeaux, en groupes sociaux organisés ou en colonies. Les animaux sauvages sont les meilleurs élèves en développement durable : chez eux, il n’y a ni riche ni pauvre, tout est partagé, rien n’est gaspillé. Cela s’observe d’autant plus chez les espèces qui vivent en colonie et qui transforment leurs aliments, notamment les fourmis, les abeilles et les guêpes. Dans ces colonies, toute la population d’insectes est active, toutes les tâches sont accomplies de concert, tout le produit récolté est transformé et redistribué à toute la communauté, les réserves de nourriture sont conservées sans aucun traitement chimique, la température intérieure est produite et régulée par la colonie. On n’y observe pas de chômage, pas de pollution, pas de conflit, pas de violence, pas d’escroquerie, pas de commerce, pas de scandale, pas d’évasion fiscale, tout est partagé…, il n’y a que du bonheur, de l’amour et de la sagesse.

Fait remarquable : ces espèces maîtrisent le développement durable depuis près de cent millions d’années ; la santé est la règle, la maladie l’exception.

Il est évident que les hommes ne peuvent appliquer cette philosophie, du jour au lendemain sans compromettre l’économie de marché à laquelle ils sont attachés, ou plus exactement enchaînés. C’est donc une révolution globale qui s’impose à la fois environnementale, sociale et économique. Nous ne pouvons pas compter sur les gouvernements pour agir de suite, il faudra des catastrophes écologiques sans précédent pour que ceux-ci réagissent sous la pression des compagnies d’assurances, alarmées par les indemnités colossales auxquelles elles seront confrontées. Malheureusement le temps presse, et l’objectif de contenir la hausse de la température sous le seuil des 2°C semble s’éloigner selon le rapport de l’ONU. Toujours selon ce rapport, il faudrait multiplier par 3 les efforts dans la lutte contre les émissions de CO2 d’ici 2050.

Pour une fois, pourquoi n’écouterions nous pas la Nature ?

N’attendons plus les mesures frileuses des dirigeants, prenons notre devenir et l’avenir de nos enfants en main, vivons plus simplement, consommons local et bio, gérons mieux nos déplacements, cultivons quelques légumes, plantons des arbres, évitons les achats inutiles et le gaspillage, soyons plus solidaires.

Chacun à son rythme peut apporter sa contribution, les petits ruisseaux font les grandes rivières. Voilà une bonne résolution à prendre pour l’année 2019 et les suivantes.

Notez qu’il faudra du temps pour revenir à une situation normale et que les meilleures initiatives viendront des générations nouvelles, celles issues de la société civile en développement. Entretemps, la fréquence, l’alternance et l’intensité des catastrophes naturelles (sécheresses, inondations, famines, secousses sismiques, incendies de forêts, ouragans, cyclones, tornades, etc.) évolueront en fonction des efforts consentis en vue d’en limiter les impacts.

Le diagramme ci-dessus (modèle World3* – extrait d’une vidéo-conférence) illustre approximativement l’évolution exponentielle croissante des incidences dues à l’activité humaine jusqu’en 2010. Entre 2020 et 2030 s’amorce la décroissance qui prendra alors une allure exponentielle régressive en fonction de la raréfaction des ressources (courbe verte). L’allure plus ou moins équilibrée entre les différentes courbes évoluera en mieux ou en pire selon les efforts que nous consentirons ou pas.

 Plus que jamais notre devenir est entre nos mains !

                                                                                                          Pol Hussion

                                                                                               Alias Jacques Denis

 

* World3 est un modèle qui permet une simulation informatique des interactions entre population, croissance industrielle, production de nourriture et limites des écosystèmes terrestres. Il a été créé pour une étude du Club de Rome qui a été résumée dans le livre The Limits to Growth.

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