Rue Neuve 45. Les propositions de l’asbl SNE en matière de Patrimoine et d’Environnement. Son questionnement sur les charges d’urbanisme.

Voici le courrier argumenté envoyé par notre asbl à la Ville de Soignies dans le cadre de l’enquête publique qui se termine ce jeudi 18 mars 2021.

Objet :   Enquête publique – Annonce de projet relatif à la transformation d’un immeuble en 8 logements, la construction d’un immeuble de 7 appartements et l’abattage de 3 arbres non-remarquables, situé à rue Neuve 45 (Soignies). Parcelles cadastrées Soignies (1) section B n°204D, 204F, 204K, 204H.

Madame la Bourgmestre, Madame et Messieurs les Echevins,

Nous vous prions de bien vouloir prendre en compte ci-dessous nos remarques relatives au projet repris en objet, sur lequel un groupe de riverains a attiré notre attention, vu l’absence, dans un premier temps, de publicité comme le requiert la loi.

Conformément à la philosophie de notre association, nous ne nous opposons pas de manière frontale au projet mais demandons des améliorations sensibles, pour mieux tenir compte des intérêts collectifs des Sonégiens en matière de respect du patrimoine, de l’environnement, du cadre de vie et de la sécurité/mobilité. Vous conviendrez que ceux-ci ne peuvent être considérés comme moins importants que les intérêts économiques d’un promoteur immobilier.

  1. Patrimoine

1.a. Le bâtiment projeté (jardin)

Celui-ci est en totale rupture avec le front bâti, homogène et cohérent sur le plan architectural, du haut de la rue Neuve et avec le caractère du paysage urbain à cet endroit, qui s’est formé au 19e siècle lors du comblement des fossés de la ville au pied des remparts.

L’immeuble projeté est donc situé face aux remparts classés de la « cité médiévale », à quelques mètres de ceux-ci, avec un impact visuel indéniable.  Or il s’agit d’un endroit-clé sur le plan paysager, où passe notamment la Procession historique du Lundi de Pentecôte.

Cette portion de la rue Neuve est considérée, dans l’Atlas des centres anciens protégés, comme un espace non bâti de haute qualité (Place du Jeu de Balle, haut de la rue Neuve, début de la rue F. Eloy et de la rue Ferrer – code rouge). L’alignement de ces maisons y est repris en valeur architecturale signifiante, vu son caractère homogène et ses qualités constructives (code brun).

Cette voie d’accès au cœur historique a été jusqu’ici bien préservée avec son caractère marqué. Le plan de rénovation urbaine a notamment pour objectif de soigner les « entrées dans la ville ». Nous recherchons en l’espèce la cohérence entre les objectifs annoncés et les décisions concrètes envisagées. Nous craignons que la question des « charges urbanistiques » soit au cœur de ce conflit entre intention et acte (voir plus loin).

En ce qui concerne proprement le bâtiment projeté, il n’est pas du tout en accord avec son environnement :  des fenêtres au rythme horizontal au lieu de vertical, la large percée pour l’accès au parking, la couleur de la brique, la lucarne continue sur 10 m dans la toiture ainsi que les hauteurs de niveaux qui ne s’alignent pas sur les bâtiments voisins.

2.b. Le bâtiment projeté (proposition)

Nous ne sommes pas opposés à une architecture contemporaine, pour autant qu’elle soit de qualité, bien pensée et bien intégrée ; ce n’est pas le cas de cette architecture passe-partout, peu adaptée à un centre historique. En l’espèce, un bâtiment aux lignes épurées, le cas échéant enduit (au lieu d’un aspect « fausses briques ») et aux fenêtres verticales, moins étriquées, respectant la rythmique des façades de la rue, serait sans doute plus approprié.

1.b. Le bâtiment existant (n° 45)

L’immeuble est repris à l’Inventaire du patrimoine, comme tout le front bâti du haut de la rue Neuve (cf. ci-dessus).

L’immeuble unifamilial jusqu’ici est typique des maisons bourgeoises qui se sont élevées au 19e siècle sur cette artère importante de la ville. Il sera profondément et définitivement altéré, alors qu’il s’agit d’une solide bâtisse de qualité, par le projet tel que prévu : transformation de la porte cochère en fenêtre, création de lucarnes sous plate-forme, dessin des châssis non adapté au caractère de l’immeuble, etc.

Nous comprenons difficilement comment l’Agence wallonne du Patrimoine ait pu laisser passer un tel projet et nous l’interpellons directement. Nous plaidons pour le maintien des caractères de l’architecture existante.

  • Environnement

2.a. Le parking (état de la question)

Une large partie de la parcelle de jardin (750 m² sans compter le bâtiment lui-même) sera imperméabilisée par la création d’un parking semi-enterré. Nous supposons que l’option du « semi » enterrement est juste une question de coût (± 25.000 euros en souterrain), mais cela ne change fondamentalement rien à la question du bétonnage et de l’imperméabilisation d’un sol jugé par le demandeur « sans qualité » dans la note d’évaluation des incidences.

Vous n’ignorez pas les réflexions et débats qui se multiplient actuellement à ce sujet ; certains architectes et urbanistes qui voient un pas plus loin et recherchent des solutions plus novatrices (externalisation, réversibilité,…) pour concilier mobilité et cadre de vie, en arrivent à devoir négocier avec les autorités pour ne pas aménager de parkings souterrains, comme l’exigent le plus souvent les règlements d’urbanisme, comme celui de Soignies.

Votre collège s’inscrit-il, avec son administration et son atelier-conseil en rénovation urbaine, dans une réflexion plus novatrice et plus en accord avec les préoccupations environnementales qui ne font que croître ? Il y a clairement une demande des habitants de revégétalisation d’un centre-ville de plus en plus minéral.  Le projet de parking souterrain, qui créerait un dangereux précédent, a fortiori dans le centre historique, participe-t-il d’une « vision d’avenir » de votre collège pour notre ville ?

2.b. Le parking (proposition)

Au vu de ce qui précède, nous préconisons un aménagement réversible, pour ne pas alourdir encore la dette que nous transmettons aux générations futures. Celui-ci prendrait la forme d’emplacements en surface sous structure bois. Outre la réversibilité (qui peut prédire aujourd’hui l’évolution de la mobilité dans les décennies à venir ?), cette solution s’accompagne de multiples avantages pour le promoteur : moindre coût d’aménagement et moindre coût d’entretien (éclairage, nettoyage, maintenance), ventilation, moindres risques d’infiltrations d’eau pour le parking lui-même et pour les propriétés voisines, flexibilité ! (ex. adaptabilité à des besoins en diminution) et moindre abattage d’arbres.

  • Charges d’urbanisme (questionnement sur la logique et la pertinence)

A la lecture de l’avis d’annonce du projet, nous constatons que les charges d’urbanisme sont déjà prévues. Cela nous amène à nous poser les questions suivantes : 1°) les charges d’urbanisme imposées au promoteur laissent penser qu’il y a bien un préjudice collectif à compenser ou qu’à tout le moins, c’est le coût à payer pour les multiples « écarts » au GCU ; 2°) la négociation entre la commune et le promoteur a déjà eu lieu, avant l’enquête publique et la réception des avis des citoyens ; 3° les charges prévues (aménagement de trottoirs et de passages pour piétons) sont sans rapport avec le projet immobilier qui nous occupe (puisque situé dans une autre rue).

Nous nous inquiétons d’une telle interprétation des charges d’urbanisme par rapport à l’intention du législateur. En effet, les conditions imposées en échange de l’autorisation visent en principe à permettre l’intégration du projet à l’environnement bâti et non bâti, d’en permettre la faisabilité en faisant supporter une partie des coûts que le projet engendre pour la collectivité.

Or en l’occurrence, pour ne parler que de la mobilité, elles entendent améliorer une situation ailleurs alors que le projet risque de créer lui-même un problème de mobilité et une plus grande insécurité avec une sortie de parking à double sens sur un trottoir particulièrement fréquenté par des jeunes, aux abords immédiats d’une école.

Outre le fait que nous ne percevons pas la logique de faire assumer par un promoteur privé le coût d’infrastructures publiques de voiries, ces charges d’urbanisme ainsi conçues mettent sur le promoteur une pression financière qui le contraint à augmenter le nombre de logements dans un volume identique, avec pour conséquence une restriction de la surface et de la qualité de ces logements (48 à 63 m² – des studios plutôt que des appartements, avec pour conséquence une forte densité de population), sans assurance qu’ils seront pour autant plus abordables, et une altération plus importante du bâtiment existant quant à ses caractères architecturaux.

La conséquence concrète en est que la logique de vouloir « compenser » un coût pour la collectivité ne fait qu’alourdir ce coût, pour autant que l’on prenne en considération non seulement le critère économique mais aussi d’autres valeurs, culturelles et sociales, telle la préservation du patrimoine et de l’environnement ainsi que le maintien d’un cadre de vie de qualité.

En conclusion, nous demandons (tous ces points sont liés) :

  • Une meilleure intégration du bâtiment projeté à son contexte bâti et non bâti ;
  • Le maintien des caractères architecturaux du bâtiment existant, inscrit à l’Inventaire du Patrimoine, face aux remparts classés ;
  • Une diminution du nombre de logements, dans le cadre d’une approche plus qualitative ;
  • Une orientation des charges d’urbanisme vers le projet lui-même ;
  • Le renoncement à un parking souterrain au profit d’une solution plus écologique et réversible.

C’est avec plaisir que nous vous lirons en réponse à ces questions et propositions.

Veuillez croire, Madame la Bourgmestre, Madame et Messieurs les Echevins, à l’assurance de notre considération très distinguée.

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